L'Harmattan est associé à de nombreuses pathologies qui affectent la peau ou les muqueuses des hommes et des animaux.

Chaque année, entre décembre et avril, l'Harmattan, un vent frais, sec et chargé de poussières traverse l'Afrique de l'Ouest. Ce phénomène météorologique prend naissance dans les hautes pressions sahariennes, au sud le l'Algerie et de la Libye, au nord de la Mauritanie, du Mali, du Niger et du Tchad. Il modifie profondément les conditions climatiques et environnementales des régions qu'il traverse. Ses impacts ne se limitent pas à la visibilité ou à la sécheresse : il a aussi des répercussions majeures sur la santé humaine, l'agriculture et les écosystèmes.
Alors que les scientifiques redoublent d’efforts pour mieux le comprendre et anticiper ses effets, comment les populations peuvent-elles s’adapter à ce vent parfois redoutable ?
Nos recherches portent, entre autres, sur les aléas météorologiques et climatiques, ainsi que leurs impacts sur divers secteurs en Afrique de l'Ouest et l‘analyse des périodes sèches et humides. Dans cet article, nous expliquons ce qu'est l'Harmattan, ses causes, quand et comment il arrive ainsi que son impact sur la santé des populations de la zone où il souffle.
Les origines de l'Harmattan
Pendant l’hiver boréal (octobre à mars), les composantes de grande échelle de la circulation générale atmosphérique migrent vers le sud. Cela se traduit, en Afrique de l’Ouest, par la migration depuis le Sahel vers le Golfe de Guinée de la zone de convergence intertropicale, une zone de forts contrastes de masses d’air humides du sud et sèches du nord. Ces flux portent des noms bien connus, la mousson au Sud et l’Harmattan (emprunté du Fanti, langue du Ghana, haramata) au Nord. De décembre à fin mars, la quasi intégralité de l’Afrique de l’Ouest se retrouve ainsi sous l’influence de cet Harmattan.
L’origine de ce dernier correspond à un forte différence de pression atmosphérique. Au nord (autour de 30 N), une ceinture de hautes pressions anticycloniques (comme celles de l’anticyclone des Açores), avec des masses d’air relativement sèches provenant de hautes altitudes. Au sud, proche de l'Équateur et de l’azimut du soleil, des pressions plus faibles avec beaucoup de développements orageux. Des vents de très grandes échelles, réguliers et proches de la surface sont ainsi établis entre ces deux zones contrastées. Ils existent toute l’année et partout sur le globe autour de la ceinture tropicale. En mer, il s’agit des alizés, connues par les marins depuis très longtemps pour, par exemple, traverser d'Est en Ouest l'océan Atlantique.
Assèchement de l'air
Les masses d’air qui sont transportées par l’Harmattan proviennent des hautes altitudes. Elles se sont fortement asséchées lors de leurs précédente ascendance. Proches de la surface, les masses d'air débutent un déplacement vers le sud en direction des basses pressions équatoriales. Lors de ce déplacement, elles traversent uniquement des régions chaudes et sèches (le Sahara puis le Sahel). Elles resteront donc très faiblement chargées en humidité. Les régions passant sous régime d’Harmattan observent donc un très net assèchement, contrairement à la saison des pluies ou elles sont sous le régime de la mousson (vent du sud).
Ces masses d’airs sont sujettes à un cycle diurne (jour/nuit) bien plus marqué, avec des nuits fraîches et des journées parfois très chaudes, surtout autour des mois de mars et avril, quand le rayonnement solaire augmente dans la région sahélienne. Ce cycle diurne renforcé va avoir des répercussions sur le vent. Pendant la nuit, le froid relatif proche du sol va stabiliser les masses d'air en limitant leurs mouvements verticaux. Cette stabilité tend à réduire la couche verticale où souffle l’Harmattan. Or en la réduisant et par conservation, les vents vont s’intensifier, surtout en fin de nuit quand cette stabilité est la plus marquée.
L'intensification nocturne du vent, désignée sous le terme de “jet de basses couches”, se produit au-dessus des sols asséchés et particulièrement vulnérables à l'érosion éolienne en fines particules, tels que ceux de la région de la dépression de Bodélé, située dans le Sahara tchadien. La présence de ces vents puissants et de ces sols érodables fait de cette région la principale source de soulèvement des poussières désertiques en Afrique de l'Ouest, une zone reconnue comme étant la plus productive au monde pour la génération de ces particules.
Ses effets sur la santé
De par ses caractéristiques - un vent sec, relativement frais et chargé de particules poussiéreuses, où se mêlent microbes et parasites -, l’Harmattan a des impacts majeurs localement, et notamment sur la santé. Il est associé à un grand nombre de pathologies qui affectent la peau ou les muqueuses des hommes et des animaux, qui peuvent générer des infections des voies respiratoires (bronchites, pneumonie, asthme) en détériorant la qualité de l’air.
Il favorise aussi l’apparition ou la propagation de maladies telles que la grippe. Il favorise également la prolifération du bacille de koch, responsable de la tuberculose, une maladie grave, de même que les méningocoques responsables de la méningite qui sévit surtout dans les pays sahéliens.
Des études ont su quantifier l'augmentation de victimes liées à ce vent et à la dégradation de la qualité de l'air. Ainsi, l'augmentation, d'environs 15 %, de la moyenne annuelle de la concentration des particules fines de poussières (appelée PM 2.5) a entraîné une hausse de 24 % de la mortalité infantile.
On observe aussi des impacts locaux sur les écosystèmes avec une importante évaporation des eaux de surface, l’augmentation des érosions des sols. Enfin, dans une moindre mesure, l’impact de l'Harmattan chargé en poussières peut aussi causer des problèmes de visibilité dans le secteur de l’aviation ou une réduction de l'efficacité des panneaux et fermes solaires dû au brouillard et aux dépôts sur les panneaux photovoltaïques.
Comment se protéger?
Pour éviter ces impacts, des mesures de précaution existent : protéger les voies respiratoires à l'aide de cache-nez, humidifier les voies respiratoires avec des solutions de lavage physiologique, ou le recours à la vaccination quand cela est possible.
Afin de soutenir les populations locales et les politiques publiques visant à réduire ces impacts, les scientifiques et les services opérationnels de prévisions météorologie des pays de la bande sahélienne travaillent sur le développement d'indicateurs compréhensibles pour le grand public et à la mise en place de systèmes d'alerte précoce simplifiés. De nombreuses études et campagnes de mesure ont également été menées pour mieux comprendre ces soulèvements, le transport et les impacts des panaches de poussière. Ces travaux ont contribué à l'enrichissement des données disponibles sur les panaches de poussières, notamment via le programme Européen Copernicus.
En fin de saison de l'Harmattan, autour du mois d'avril, la dégradation de la qualité de l'air peut s'accompagner de fortes températures diurnes, exacerbant les troubles respiratoires en période de vague de chaleur, en particulier chez les personnes les plus vulnérables. Il apparaît d'autant plus nécessaire de mieux les prédire pour informer et protéger les populations.
Ces efforts nécessitent un renforcement des réseaux d'observation des impacts dans les régions d’Afrique de l’Ouest, ainsi qu'une amélioration de la surveillance de la qualité de l'air, notamment dans les zones urbaines où la dangerosité des poussières et de la chaleur de l'Harmattan peut être amplifiée par la pollution locale.
Article publié avec l’aimable autorisation de THE CONVERSATION